EXCLUSIF : interview d’une enfant victime, aujourd’hui devenue adulte.
Marie (le prénom a été modifié) n’a pas vu son père pendant vingt ans. Vingt ans d’absence, de questions et de silences imposés par sa mère… Aujourd’hui, devenue une femme accomplie, elle témoigne pour la première fois. L’association Cœur Bleu a recueilli son témoignage exclusif en conservant son anonymat.
Plongez dans son récit bouleversant : un appel vibrant à protéger le lien parent-enfant, coûte que coûte.
« A l’âge de 3 ans, mes parents se sont séparés alors que mon frère venait de naître. Une séparation dans mes souvenirs difficile mais nous allions quand même un week-end sur deux chez mon père, ma mère ayant la garde majoritaire.
Lorsque mon père a officialisé sa nouvelle relation, notre mère lui a interdit le droit de garde malgré qu’il y ait eu un jugement et que mon père se présentait pour sa garde. Ceci nous a été caché par notre mère. Son discours était que notre père avait une nouvelle vie et qu’il nous avait abandonné.
Je n’ai pas vu mon père pendant plus de 20 ans, sauf une fois ou deux lors d’une hospitalisation pour anorexie mentale. Cela avait été demandé par les médecins mais ma mère a tout fait pour que la relation s’arrête.
J’ai souffert d’anorexie mentale profonde à l’âge de 12 ans. Je n’en connais pas les causes exactes mais je sais que cette maladie est liée chez moi au besoin de reconnaissance. Je pense donc que cette séparation et cette instabilité en sont responsables.
Ma mère a rencontré quelqu’un quelques années après. Pour moi, c’était une personne qui partageait la vie de ma maman mais sans repère masculin avant, je ne suis jamais parvenue à m’attacher émotionnellement.
J’étais trop jeune pour avoir un jugement. De plus, cette situation était banalisée par ma mère. Je ne me souviens pas de mon ressenti, qu’il ait été positif ou négatif. C’était devenu « normal ». Ayant eu la version de ma maman qui était l’abandon et ne ressentant pas vraiment de manque, je n’ai rien entrepris.
C’est lorsque j’ai reçu un message de ma « demi-sœur » que j’ai appris que mon père était à ma recherche et souhaitait me retrouver. Ces retrouvailles ont été très spéciales. Le sentiment d’être étrangère et d’avoir un trou dans notre histoire. Il a fallu s’apprivoiser.
Et j’ai enfin eu sa version, probablement plus juste que celle que j’avais eue de ma mère. Cet homme a souffert, il a toujours suivi mon parcours (sportif) et je sais aujourd’hui que je suis très importante à ses yeux.
Ma relation aux hommes a été très longtemps compliquée aussi. J’ai rencontré très souvent des hommes plus jeunes (comme ma mère), qui n’étaient pas prêts à s’engager mais surtout qui me permettaient de me sentir « reconnue ».
Le manque de repère paternel m’a donné le sentiment de ne pas être aimée suffisamment, de n’être jamais « assez » , de ne pas avoir cette confiance en moi qui permet de m’assumer.
Aujourd’hui, j’ai un grand manque de confiance en moi et le besoin de validation permanent pour m’assurer que c’est bien ou assez.
Les problèmes d’adultes se règlent entre adultes. Les enfants ne doivent pas être les témoins ni les otages. Cela crée des vraies blessures avec lesquelles ils vont grandir. Ce sera à eux ensuite de faire le travail pour avancer. Alors pourquoi leur mettre un caillou dans la chaussure ? Il fait souvent beaucoup plus mal que ce que les parents peuvent penser, pour peu qu’ils s’en rendent compte.
Que doit-on dire à des enfants qui se trouvent dans cette situation ? Je ne pense pas avoir la réponse. Les enfants sont tellement différents les uns des autres. Je dirais qu’ils sont beaux et uniques. Que leurs parents aussi. Ils ont un papa et une maman qui se sont aimés et que c’est la raison pour laquelle ils sont là. Que les adultes peuvent ne pas être d’accord mais que cela n’empêche pas qu’ils restent leurs enfants pour la vie et qu’ils les aiment plus que tout. Qu’ils ont le droit d’être joyeux ou tristes, en colère ou contents mais qu’ils peuvent toujours exprimer leurs sentiments à des personnes de confiance et qu’ils seront entendus. »