Un récit poignant, une vérité trop souvent ignorée.
Nous avons eu le privilège de recueillir, pour l’Association « Cœur bleu », le témoignage bouleversant d’un homme ayant grandi sous l’emprise de l’aliénation parentale. Enfant, il a été manipulé, poussé à rejeter une partie de son histoire… Aujourd’hui, il brise le silence.
« J’étais un robot. Jamais je n’oublierai les lavages de cerveau. J’avais toujours peur. Je ne pouvais rien faire. Je subis et j’attends. »
Dans cette interview exclusive, il revient sur son histoire, les séquelles de cette manipulation et le difficile chemin vers la reconstruction.
Dès la sortie de son livre, nous vous publierons le lien pour le commander.
Merci d’avoir accepté cette interview. Pour commencer, pouvez-vous nous expliquer votre situation familiale actuelle ?
J’ai 42 ans. J’ai rencontré mon épouse lorsque j’avais 15 ans et nous sommes mariés depuis 12 ans. Aujourd’hui je suis un mari et un père heureux, nous avons un garçon de six ans et une fille de deux ans.
Vous avez vécu une situation particulière dans votre enfance, pouvez-vous nous en parler ?
En effet, mes parents se sont séparés lorsque j’avais 8 ans. Durant deux ans, j’ai été victime de manipulations de la part de mon père. Il voulait ma garde exclusive et était prêt à tout pour l’obtenir. Il ne cessait de dénigrer ma maman, de me répéter des mensonges sur elle. Un bourrage de crâne incessant à chaque fois que j’étais chez lui. Son but ultime était que je témoigne que je ne voulais pas vivre chez ma maman.
J’étais en garde alternée. Un horaire très difficile dû au travail de ma maman qui devait parfois travailler jusque 21:00.
Voici comment était découpée ma semaine.
Lundi : papa
Mardi : papa puis maman à 18:00
Mercredi : maman
Jeudi: maman puis papa à 18:00
Vendredi : papa
Le week-end, alterné une semaine sur deux.
Pour les vacances, les périodes étaient toujours divisées en deux. Ce qui pour les grandes vacances me semblait long.
Je me rappelle un soir où ma maman était là à 17:50 un mardi. Je l’avais vu se garer en bas de l’appartement et mon père m’empêchait d’aller la retrouver. Il fallait attendre 18:00 pile. J’étais dans tous mes états.
Ça peut paraître anodin, mais pour un enfant de 8 ans qui veut voir sa maman, c’est compliqué. Preuve en est, je m’en rappelle comme si c’était hier.
Comment avez-vous vécu cette situation à l’époque, quel était votre ressenti ?
Rien qu’en y repensant, je me rappelle très bien que c’était une horreur. J’étais un robot. Je manquais de confiance en moi mais surtout, j’avais peur.
Peur, car je ne voulais causer de mal à personne, du haut de mes 8-9 ans, je me rendais compte que l’issue de ce conflit parental dépendrait de ce que j’allais dire à la psychologue que je voyais. Jamais je n’oublierai les lavages de cerveau que me faisait mon père pour être certain que je répète ce qu’il voulait lors de ces rencontres.
Je subissais beaucoup de pression de sa part, j’avais toujours peur de ce que je pouvais ou ne pouvais pas dire, ou de le choquer en lui disant la vérité : que j’aimais ma maman et que je me sentais bien chez elle.
Mon père me faisait aussi beaucoup de chantage.
« Tu sais, si tu vas chez maman tu ne verras plus tes copains ici et tu devras changer d’école »
Quels sont les efforts que vous avez entrepris pour survivre à cette situation à l’époque et les années suivantes ?
Lorsque j’étais enfant, je ne pouvais rien faire. Je subis et j’attends… Je n’ai pas la force ni les moyens de sortir par moi-même de cette situation.
Mais au fil des années, la relation avec mon père s’est dégradée car je commençais à comprendre ses manipulations. Je savais qu’à partir de 14 ou 15 ans je pourrais choisir chez qui je voulais vivre.
J’ai compris aussi que tout ce pour quoi il se battait n’avait rien à avoir avec moi, il voulait juste faire souffrir ma maman et m’avoir à sa charge (c’était une aussi une question d’argent).
J’ai attendu mes 15 ans pour finalement demander à aller vivre principalement chez ma maman. Je me rappelle qu’il m’avait fallu beaucoup de courage car j’avais vraiment peur de lui et de ses réactions.
Quelles conséquences ce vécu dans votre enfance a eu sur votre vie d’adulte et de père ?
J’ai mis beaucoup de temps à construire ma propre identité. Ayant été influencé et manipulé toute ma jeunesse il a fallu que j’apprenne à me faire confiance et à m’affirmer. J’ai l’impression de ne pas avoir vraiment eu d’enfance et je cherche encore des réponses à la question : « Pourquoi m’avoir fait vivre ça ? »
En tant que papa, je permets à mes enfants donner leur avis, de commencer à décider de ce qu’ils veulent ou non. Je les laisse se construire et ne les influence pas avec mes propres opinions.
Je vois mes enfants grandir au sein d’une famille unie et je les envie, tout comme quand j’étais petit j’enviais les autres enfants dont les parents étaient ensemble.
Je souhaite qu’ils aient une enfance formidable, qu’ils soient fiers de leur maman et de leur papa.
Que diriez-vous à d’autres parents qui pourraient se trouver dans une situation similaire ?
Aux parents qui voient leur enfant être manipulé, je leur conseille de rester eux-mêmes. Ne rentrez pas dans ce jeu. Faites preuve de patience et de résilience. Montrez-leur votre amour, c’est tout ce dont un enfant a leur plus besoin. Profitez des moments que vous passez ensemble, ne les gâchez pas en essayant de les influencer ou en leur expliquant ce qu’il se passe. Ils sont parfois beaucoup trop petits et ne comprendraient pas.
Aux parents qui manipulent leur enfant, je leur demanderais de ne pas l’impliquer dans votre conflit. Cela a des conséquences que vous ne pouvez pas imaginer. Un enfant n’oublie pas et une enfance on ne peut en avoir qu’une. Vous les privez d’une période importante dans leur développement et vous ne leur faite que du tort.
Que doit-on dire à des enfants qui se trouvent dans cette situation ?
Ce n’est pas de leur faute et ce sont des problèmes de grands. Il faut leur permettre de retomber dans l’innocence pour mieux apprécier les moments privilégiés qu’ils peuvent avoir avec leurs parents ou leurs proches.
Faites très attention si vous essayez de vous immiscer dans le conflit, ça pourrait être à double tranchant. Vous risqueriez de passer pour une personne de plus qui tente de l’influencer.
On dit souvent que les enfants victimes de manipulation deviennent des « zombies ». Pour l’avoir vécu, j’assimile ce comportement à de l’autodéfense. L’enfant inhibe toute émotion de l’extérieur pour ne pas avoir à se justifier ou pour ne pas empirer l’état d’esprit dans lequel se trouve ses parents.
Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
Je prends soin de mes proches et je vais continuer à apprendre à mes enfants à se développer. Je travaille beaucoup sur moi-même pour ne pas reproduire le comportement que j’ai pu observer chez mon père, car ce n’était pas qu’un manipulateur.
J’ai d’ailleurs entamé l’écriture d’un livre racontant mon enfance, mon adolescence et mon entrée dans la vie adulte.
Je veux passer un maximum de temps avec ma belle-famille, dans les deux sens du terme. On se dit les choses sincèrement en toute transparence puis on agit et réagit avec bienveillance.
Aujourd’hui, je vous témoigne mon vécu. Demain, je le ferai encore, à quiconque le nécessite ou le demande.
C’est un sujet dont il faut parler plus, tant il est le quotidien de beaucoup trop de parents.