Aliénation parentale : comment poser un diagnostic vraiment rigoureux ?

Synthèse de l’article de Hubert Van Gijseghem (décembre 2020).

1. Pourquoi cet article compte

Dans le débat toujours vif autour de l’aliénation parentale, le psychologue et expert psycholégal Dr Hubert Van Gijseghem rappelle une évidence : sans méthode solide, on risque aussi bien le « tout est aliénation » que le « l’aliénation n’existe pas ». Son texte, publié par l’Ordre des psychologues du Québec en décembre 2020, propose un protocole clinique en trois étapes pour réduire ces faux positifs (diagnostic abusif) et faux négatifs (passer à côté d’un enfant en détresse).

2. Ce que l’aliénation parentale est… et n’est pas

  • Pas (encore) explicitement dans le DSM-5 ni l’ICD-11. La notions est relativement nouvelle, et est rangée habituellement sous l’appellation « problèmes relationnels parents-enfants », laquelle figure dans le DSM-5 et dans l’ICD-11. On trouvait l’appellation « aliénation parentale » dans l’index de l’ICD-10. Sans explication, le nom fut ensuite retiré de l’index de l’ICD-11 en février 2020 pour considérer que la notion doit être classée sous l’appellation « problèmes relationnels parents-enfants ». La raison évidente du retrait de la notion explicite, est que le concept de l’aliénation parentale reste controversé. Il est donc probable qu’un lobby ait convaincu l’OMS de retirer le nom de l’index de l’ouvrage (Bernet, 2020).
  • Une condition relationnelle, pas un simple “lavage de cerveau”. Depuis Gardner (1992), la définition s’est affinée : il faut constater (1) une alliance forte et durable de l’enfant avec un parent et (2) un rejet injustifié de l’autre parent. Les deux phénomènes peuvent exister sans lien de causalité direct ; d’autres facteurs entrent souvent en jeu.

3. Étape 1 : vérifier la présence des deux critères de base

Avant tout, le clinicien doit établir :

  1. La distanciation est-elle injustifiée ? On exclut d’emblée les cas où la rupture avec le parent rejeté découle d’abus, de négligence ou d’abandon avérés.
  2. L’alliance avec l’autre parent est-elle excessive ? On recherche une loyauté tellement exclusive qu’elle anéantit toute ambivalence normale.

Cette vérification exige dossiers médicaux, témoignages, observations et évaluations psychologiques de chacun des parents et de l’enfant.

4. Étape 2 : appliquer les huit critères décisionnels de Gardner

Une fois la distanciation « sans raison valable » confirmée, on regarde si l’enfant présente au moins 4 critères sur 8, les deux premiers étant obligatoires :

  1. Campagne de dénigrement
  2. Rationalisations faibles ou frivoles
  3. Absence d’ambivalence
  4. « Penseur indépendant » autoproclamé
  5. Soutien actif au parent préféré
  6. Animosité généralisée envers l’entourage du parent rejeté
  7. Absence de culpabilité
  8. Scénarios « empruntés » au discours adulte

Ces signaux portent sur le comportement observable de l’enfant, ce qui limite les biais d’interprétation.

Plus récemment, en octobre 2024, le groupe de travail “Familles hautement conflictuelles”, de l’Ordre des Psychologues du Québec (OPQ), sous la houlette de la psychologue et ex‑ministre Hélène David, a publié un article de méthode qui liste 13 critères cliniques.

5. Étape 3 : identifier les sources de l’aliénation

Le diagnostic n’est complet qu’une fois l’origine du phénomène éclaircie :

  • Influences du parent allié (peur, ressentiment, biais de confirmation)
  • Facteurs internes à l’enfant (conflit de loyauté, anxiété de séparation, traits oppositionnels)
  • Réactions du parent rejeté (colère, procédures à répétition)
  • Effets du système judiciaire et des interventions psychosociales (lenteur, logique adversative, validation involontaire du rejet)

Chaque dossier présente une constellation unique ; hiérarchiser ces sources est indispensable pour choisir l’intervention (médiation renforcée, thérapie familiale, décisions judiciaires plus directes, etc.).

6. Ce qu’il faut retenir pour les familles et les praticiens

RisqueParades proposées par Van Gijseghem
Diagnostiquer trop vite et pathologiser un conflit normalVérifier systématiquement les abus ou carences parentales avant de parler d’aliénation
Ignorer l’enfant parce qu’il « répète les mots du parent »Observer directement ses interactions et son développement
Voir l’aliénation comme un simple lavage de cerveauExplorer les facteurs multiples : tempérament de l’enfant, dynamique judiciaire, maladresses du parent rejeté
Choisir une intervention inadaptéeÉtablir d’abord la hiérarchie des sources pour adapter la réponse (psychoéducation, coaching coparental, décision judiciaire ferme, etc.)

7. Pourquoi cet article complète les ressources de l’association Cœur Bleu

Il renforce notre plaidoyer : lutter contre l’aliénation parentale exige des protocoles transparents, non des impressions à chaud.
Il outille les parents : comprendre les trois étapes permet de demander les bonnes expertises et de repérer les évaluations bâclées.
Il guide les professionnels : psychologues, médiateurs, avocats et juges y trouveront un canevas pour diminuer les erreurs qui blessent durablement les enfants.

8. Conclusion

Le texte de Van Gijseghem démontre qu’un diagnostic responsable d’aliénation parentale repose sur :

  1. Deux critères fondamentaux (alliance & rejet injustifié)
  2. Huit marqueurs comportementaux de l’enfant
  3. Une analyse étiologique fine des causes potentielles

En suivant ces étapes, tribunaux et cliniciens peuvent protéger l’enfant qui le nécessite sans nier ni banaliser une aliénation parentale destructrice de liens. C’est aussi la meilleure façon d’éviter que l’aliénation parentale soit contestée pour des raisons qui ne sont pas scientifiques.

Lire l’article complet ici : https://www.ordrepsy.qc.ca/-/methodologie-et-rationalite-du-diagnostic-du-trouble-de-l-alienation-parentale

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